Hiroshima, c’est d’abord un nom de cours d’histoire. Un nom et une date – comme on en apprend sans cesse dans cette matière – celle du 6 août 1945. C’est aussi une heure: 8h15. L’heure très précise, celle où les gens partent pour le travail, les enfants pour l’école, où une ville est devenue en l’espace d’un instant un enfer, – et où l’humanité a perdu à jamais un peu de son nom.
C’est donc un pèlerinage humaniste, une longue marche silencieuse, que d’aller à Hiroshima. On descend du car devant le dôme de la bombe A, et d’un coup les discussions se taisent pour ne plus reprendre. Ce bâtiment est inscrit au patrimoine de l’UNESCO, il est un des rares à avoir résisté à l’explosion, alors qu’il se situe à quelques mètres de l’hypocentre. C’était un bâtiment à l’européenne. Aujourd’hui, il est entretenu comme une ruine antique, pierres écroulées et herbes folles, pour que jamais personne n’oublie. Tout près, un premier monument marque le lieu de l’explosion : un pont formant un T servait de cibles aux aviateurs de l’Enora Gay. Nous marchons ensuite jusqu’à l’hypocentre, le lieu très précis de l’explosion, devant une clinique d’une rue anodine. Le ciel est si bleu aujourd’hui sur Hiroshima : comment se dire que de ce même ciel bleu a pu un jour descendre un feu de mort ? La marche vers le musée de la paix a pour but, à chaque station, de rendre plus concret ce cauchemar. Nous arrivons au monument pour la paix des enfants : il commémore le courage de la petite Sadako Sasaki, morte à douze ans, à la fin des années 50, des retombées atomiques. Elle avait fait avec ses camarades 1000 grues en origami afin que son voeu de guérison soit exaucé. Et sa statue est aujourd’hui entourée de grues multicolores faites par des enfants du monde entier.
Nous arrivons au cénotaphe : une flamme brûlera tant qu’il existera des armes nucléaires au monde. Face au cénotaphe se trouvent alignés la flamme et le dôme. Nous nous recueillons pour les victimes.
Vient le musée de la paix.
Une première salle présente une immense photographie d’Hiroshima avant : elle recouvre tour le mur. La salle suivante représente le même paysage après.
Le contraste est quasiment intolérable.
Vient l’évocation des victimes. D’immenses photographies en noir et blanc, ponctuées de commentaires saisissants du photographe. Puis, dans la salle suivante, les vêtements pèle mêle d’écoliers et leurs noms. Des histoires de gens désespérés qui cherchent des proches qu’ils ne retrouveront jamais. Un garçonnet tué pendant qu’il faisait du tricycle. Un homme qui attend l’ouverture d’une banque et qui se trouve transformé en ombre sur les marches de pierre. Des gens qui réclament à boire, qui se jettent dans le fleuve tant ils sont brûlés. La pluie noire qui se met à tomber. Les agonies de ceux qui ne sont pas morts à 8h15 et qui demandent qu’on les achève, qui remercient leur famille de les avoir soignés de leur mieux avant de s’éteindre.
Le musée d’Hiroshima se veut un vibrant plaidoyer universel pour la paix et contre des armes qui tuent indistinctement et de façon massive, inhumaine, des milliers de civils innocents. Les maires d’Hiroshima sont impliqués activement dans la lutte contre le prolifération des armes nucléaires. On ne peut sortir de ce lieu sans être bouleversé.
Aller à Hiroshima est un devoir de mémoire essentiel.
Une fois que l’on a vu Hiroshima, on ne peut plus dire qu’on ne savait pas.