Nous finissons notre séjour sur un thème très spirituel : celui des montagnes sacrées. Le conservateur du musée du bouddhisme nous reçoit pour une présentation sur ce thème. Il nous explique que, selon les rites chinois, Kyoto a été choisie comme capitale à cause de la présence de sa rivière, et parce qu’elle est entourée de montagnes. Celles-ci sont réputées abriter des monstres, des onis qu’il s’agit du coup d’apaiser en construisant des temples. On considère également que les âmes des morts retournent dans les montagnes : l’ascension est donc aussi une pratique d’initiation spirituelle. Ainsi, certains japonais pratiquent le shugendo, qui consiste à venir vivre en ascète dans les montagnes, même le temps de vacances par exemple.
Combien d’entre nous ont découvert le Japon grâce aux mangas? C’est le cas d’Honoré, ancien élève du lycée Bartholdi qui fait partie du voyage. Nous avons donc rendez-vous au musée du manga pour qu’il interviewe une chercheuse spécialisée sur ce thème. La France est en effet le premier pays vers lequel le Japon exporte ses mangas. Quelles sont les causes d’un tel succès ? Sans doute une longue histoire de diffusion des animes à la télévision française dès les années 70 où le développement rapide de ce média nécessite de grandes quantités de programme jeunesse bon marché, ce qui est alors le cas de l’animation japonaise. Les petits français prennent goût à ces dessin-animés et devenus adultes, ont donné de la légitimité à ces programmes et livres. Aujourd’hui, la bande-dessinée française s’inspire en retour largement des techniques de dessin et de narration du manga, au point que certains parlent même de manfra. On note encore des différences dans les thèmes abordés, plus volontiers sociétaux en France. Nous visitons bien sûr le musée lui-même, installé dans une ancienne école, et qui se présente comme de gigantesques archives du manga depuis 1945. Des salles de lecture confortables permettent à tout un chacun de venir lire ses oeuvres préférées. Nous déjeunons à la cafétéria du musée, ornée de dessins de grands mangakas.
L’après-midi, direction le pavillon d’or, le temple le plus célèbre de Kyoto, doré à la feuille d’or et reconstruit après avoir été incendié dans les années 50 par un jeune moine suicidaire. Il fait beau, il y a peu de visiteurs, et notre visite se déroule dans des conditions excellentes. Nous admirons les jeux de lumière du phénix d’or qui se découpe sur le ciel bleu et se reflète dans les eaux de l’étang entouré de pins. Excentré, le temple est baigné de verdure, et la promenade apaise l’esprit.
Hiroshima, c’est d’abord un nom de cours d’histoire. Un nom et une date – comme on en apprend sans cesse dans cette matière – celle du 6 août 1945. C’est aussi une heure: 8h15. L’heure très précise, celle où les gens partent pour le travail, les enfants pour l’école, où une ville est devenue en l’espace d’un instant un enfer, – et où l’humanité a perdu à jamais un peu de son nom.
C’est ainsi que se définit littéralement Miyajima, l’île que nous avons visitée au large d’Hiroshima ce lundi. Nous avons pris un petit ferry qui en dix minutes ( juppun) nous permet d’accoster sur cette île préservée.
Nous y déjeunons de tempuras dans une salle de réception traditionnelle couverte de tatamis, avec vue sur la mer et les shika, les daims qui se promènent librement dans les rues.
C’est un tout autre paysage du Japon qui se dévoile : la plage de sable et ses pins sont bordés par le chemin menant au sanctuaire d’Itsukushima-jinja. Le grand Tori Vermillon qui s’avance dans la mer est en travaux ce qui n’arrive que tous les 70 ans : nous positivons en nous disant qu’il s’agit d’une rareté ! Construits sur pilotis, les différents bâtiments du sanctuaire sont pieds dans l’eau à la marée montante. Le contraste entre les lignes rouges du sanctuaire, l’eau et les branchages est d’une beauté touchante qui rappelle que le shintoïsme célèbre une nature habitée par des esprits. Quand nous demandons si l’on se baigne l’été à Miyajima, la question paraît incongrue : le lieu est sacré, propice au recueillement, et le sanctuaire vient exprimer la force de l’esprit qui souffle en ces lieux. Comme souvent, le sanctuaire shinto est suivi d’un temple bouddhique. Un autel orné de moulins à vent multicolores célèbre les enfants morts avec des statuettes jizo portant des bavoirs rouges. Un ume, prunier rose, étend ses branches : soudainement, il se met à neiger sur Miyajima, et tout, en cet instant, du pont rouge du shogun aux branches de pin et de fleurs roses floconneuses mêlées de neige, est parfait. Ume no Hana Yuki no ira! Notre sensei avait raison hier…
Un article en direct du Shinkansen, ça vous dit?
Nous avons pris ce train hier, pour venir à Kyoto, et nous l’avons repris aujourd’hui pour notre journée à Hiroshima. Nous sommes sur le chemin du retour, et nous avons envie de vous raconter ce TGV japonais si agréable.
D’abord, il est d’une ponctualité absolue : en cas de retard, il paraît que tout l’équipe se confond en excuses. Les passagers font la queue sagement, sans former de troupeau, pour monter à leur wagon. Il faut dire que le Shinkansen s’arrête trois minutes par station: mieux vaut être discipliné pour que tout aille si vite. À l’intérieur, les sièges pivotent et permettent de se faire front à quatre ou six. Les espaces sont spacieux, un crochet permet d’accrocher son manteau.
La tradition, c’est d’acheter son petit bento à la boutique d’ekiben pour le déguster dans le train. Le Shinkansen est si calme qu’il a régulièrement endormi nos élèves si fatigués… Mais ils ont aussi rédigé là des articles pour vous!
Notre séjour se poursuit dans le Kansai, à Kyoto. Nous arrivons sous une légère pluie en Shinkansen et commençons nos visites par le château Nijo où l’époque Edo a commencé et s’est achevée. Le sol en parquet chante sous nos pieds comme un léger pepiement d’oiseau afin de protéger le shogun de l’éventuelle intrusion de ninjas. Nous avons bien sûr laissé nos chaussures à l’entrée et nos arpentons les lieux en chaussons. De magnifiques salles possèdent des panneaux coulissants représentant des saules, des tigres sur un fond d’or. Dans la salle de réception, le shogun, surélevé sur un tatamis supplémentaire, reçoit en majesté encadré par la représentation derrière lui d’un pin se tordant sur l’or du ciel. Dans le jardin, les ume, pruniers, sont en fleurs…